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Edit:17 juil. 2018, Cre:28 janv. 2007

La concurrence libre et non faussée

Le principe de fonctionnement du capitalisme, c’est que les meilleures entreprises survivent et éliminent les autres.

La loi de la jungle élargie aux entreprises.

Comme un tel fonctionnement a conduit à quelques légers abus (travail des enfants, élimination physique des syndicalistes ou des concurrents, spoliations territoriales, etc.), il a bien fallu définir quelques règles pour organiser le marché. Ca a pris du temps et ça s’est fait dans la douleur. La protection des travailleurs, en particulier, est le fruit de luttes souvent sanglantes.

L’activité industrielle a aussi des effets secondaires (pollutions, maladies, destruction des territoires, réorganisations urbaines), qui ne sont pas payées par l’industriel, mais par l’ensemble de la société, c’est ce qu’on appelle les coûts externes. Autrement dit, une entreprise fait payer par la société une partie des coûts réels de son activité.
Ceci commence a être réglementé (sur la pollution en particulier), mais cette évolution est récente et pas vraiment complètement aboutie. Il est rare que les entreprises payent, autrement que par l’impôt, les infrastructures dont elles ont besoin.

Les lois sont là pour encadrer le fonctionnement capitaliste afin de limiter ses effets secondaires néfastes pour la planète ou pour les citoyens.
Cela définit les règles du jeu d’une ‘concurrence libre et non faussée’.

Cette compétition permanente entre les entreprises a réellement fait évoluer notre environnement et nous avons à notre disposition aujourd’hui des outils étonnants.

Oui mais voilà, cet encadrement du fonctionnement des entreprises qui vise à sauvegarder les individus ou le bien commun est mis à mal par la compétition internationale. Sans aller très loin, les écarts de salaires à l’intérieur de la C.E. vont de 1 à 10 (entre le Danemark et la Roumanie) et une délocalisation sur deux se fait à l’intérieur de l’Europe. Rappelons qu’il n’y a aucun élément correcteur (pas de droits de douane) à l’intérieur de la communauté. On met en compétition des entreprises qui obéissent à des lois différentes. Comment peut-on parler de concurrence libre et non faussée ?

Il existe une énorme pression de la part des entreprises pour favoriser les échanges internationaux, parce que cela permet d’optimiser les coûts. Une entreprise recherche systématiquement le moins disant, ce qui peut se faire soit par évolution technique ou organisationnelle soit par le versement de salaires faibles, voire par l’exploitation systématique de la main d’œuvre, en polluant sans vergogne et en pillant des ressources limitées.

Les écarts de coût salariaux sont énormes (de 1 à 50 entre la France et la Chine, par exemple).
Sur les dix villes les plus polluées du monde, huit sont chinoises.
Nous sommes dans un tel écart que certaines entreprises chinoises ont choisi d’abandonner la mécanisation car il est parfois moins cher et plus performant de faire appel à de la main d’œuvre très peu payée. Cent Chinois sont plus rapides et moins chers qu’une pelle mécanique quand il s’agit de creuser une tranchée…

Certaines théories capitalistes disent que dans ce cas, les pays à bas coût de main d’œuvre vont voir leurs salaires évoluer et le système va s’équilibrer. Ceci est vrai en partie, mais pas en totalité, et entre temps, des entreprises correctement gérées ont disparu. Les premières à tomber ont été celles dont la valeur dépendait beaucoup du coût salarial (le textile, par exemple). L’utilisation de machines modernes n’a pas permis de compenser les écarts salariaux. Au-delà du coût du travail, la pollution et le gaspillage des ressources sont un autre problème, qui relève plus du long terme mais n’est pas forcément moins préoccupant.
Certains pays ont en effet vu leur niveau de vie évoluer (l’Espagne, Taiwan) d’une manière significative et rattraper celui des pays les plus riches. Du coup, ces pays rencontrent les mêmes problèmes de compétition. Mais cette évolution est lente et irrégulière et il y a eu d’énormes dégâts entre temps.

Cette distribution internationale du travail a des effets ravageurs de deux ordres:

  • La majorité de l’industrie occidentale a déjà disparu ou fait fabriquer dans des pays à bas coût de main d’œuvre. Le savoir-faire a été au mieux transféré ou a parfois tout simplement disparu. C’est un enrichissement à court terme (les produits manufacturés sont moins chers), mais c’est un appauvrissement global car le savoir-faire construit depuis près de 200 ans par les pays occidentaux ne réapparaîtra pas. Un salarié de l’industrie qui passe dans les services ne reviendra plus à son métier d’origine et le capital de savoir historique qu’il porte est perdu.
  • Les entreprises qui ont fortement grossi en taille passent au-dessus des états, car quand une loi leur déplait, elles vont voir dans d’autres pays s’il y a des lois moins exigeantes. Là où elles sont, elles exercent un chantage et d’énormes pressions sur les états. La globalisation, c’est d’abord le retournement du rapport de force des entreprises et des états. C’est à terme l’impossibilité aux états de décider et la disparition de la démocratie au profit de l’intérêt des entreprises, qui n’est pas toujours, contrairement à ce que veulent croire certains, le même que celui des citoyens. Par ailleurs, l’importance des échanges internationaux crée une grande interdépendance des pays, qui ne peuvent plus décider seuls de leur avenir. Cette absence d’indépendance est en elle-même un énorme risque pour la démocratie car les citoyens n’ont plus de pouvoir, les décisions importantes se situant à un niveau supranational, peu ou pas démocratique.

Les entreprises naissent, vivent et meurent, et il y en a qui fonctionnent effectivement mieux que d’autres, sans forcément pénaliser leurs employés. Mais à condition que les règles du jeu soient les mêmes pour tous. Dans le contexte actuel, c’est souvent les mauvais qui gagnent (ceux qui martyrisent leurs employés, qui polluent le plus et qui ne respectent pas les lois).

La globalisation des échanges de biens est un immense bond en arrière, qui pousse à la déréglementation, c’est à dire à l’abandon des lois qui protègent les citoyens.

Il est essentiel que tout soit mis en oeuvre pour que cette globalisation matérielle soit freinée tant qu’il n’existe pas d’obligations comparables entre les entreprises situées sur des territoires géographiques différents. Les échanges internationaux existent depuis plus de deux millénaires, mais les états occidentaux se sont développés avec un indéniable succès pendant deux siècles derrière d’importantes barrières douanières. On voit aujourd’hui les dégâts qu’a causé la levée de ces barrières, continuer dans cette voie est suicidaire.
Le discours actuel est de considérer que mettre un tel frein est impossible et que la globalisation est un chemin dont on ne peut pas sortir. Pour quelle raison? Faut-il attendre qu’il se produise des révoltes afin de commencer à réfléchir ? Il sera trop tard.

Les techniques modernes de communication (dont Internet) permettent d’échanger du savoir et proposent une globalisation qui n’est pas matérielle et qui propose, elle, un réel enrichissement pour tous.

Liens:
La longue route de Majorette L’histoire exemplaire d’un industriel Lyonnais, spécialiste des petites voitures, détruit par la concurrence asiatique malgré une résistance importante.

(c) Pierre ROUZEAU
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Page mise à jour le 17/07/2018 13:22